La politique de l'autruche

"On dit la politique de l'autruche ! Avant j'comprenais pas ! Mais maintenant qu'j'en ai vu une d'autruche, c'est bon ! Une politique qui court vite ! Une politique qui fait des gros œufs, c'est tout !"

Dans cette séquence, qui contient en suivant la très célèbre "le Gras, c'est la Vie" qui a participé à la renommée du personnage, le personnage de Karadoc semble passer, comme à son habitude avec son camarade Perceval, pour un inculte qui manque de connaissances et de références.

Or, force est de constater que RIEN de ce qu'énonce Karadoc n'est faux, car en effet l'autruche court vite (70 km/h en moyenne) et fait des gros œufs (14 cm de diamètre en moyenne). Pourquoi cette vérité participe-t-elle pourtant à le faire passer pour un idiot ?

Par cette phrase, Karadoc nous explique que ce que nous pensons conditionne nos réactions aux événements : émotions, comportements, relations.

Pour lui, l'autruche se définit par sa vitesse de course et l'impressionnante dimension de ses créations, il est donc épaté et admiratif de ce qui pourrait y faire référence.

Imaginons un instant qu'à ce moment-là dans la scène, le Roi Arthur (interprété par Alexandre Astier) le reprenne pour lui transmettre la pensée commune concernant l'autruche, c'est-à-dire le fait que l'autruche est connue pour être un oiseau qui met sa tête dans le sable quand il y a un danger. Il pourrait même y ajouter la croyance populaire que cela est ridicule puisqu'elle semble croire qu'on ne la voit pas à partir du moment où elle ne voit plus rien autour d'elle.

Karadoc pourrait alors continuer à être observateur, et à s'intéresser aux caractéristiques de l'autruche (si seulement il savait lire) pour découvrir que les scientifiques ont trouvé trois principales raisons à ce comportement :

- en premier lieu, l'autruche cache ses œufs dans le sol pendant la couvaison et ce réflexe de mettre sa tête dans le trou est donc avant tout un instinct de protection envers sa descendance,

- en second lieu, l'autruche se nourrit beaucoup de petits éléments qu'elle trouve dans le sol et le sable et le fait de se pencher et de creuser le sol avec son bec est donc tout simplement sa manière de s'alimenter,

- et enfin, les autruches vivant dans des territoires avec beaucoup de tempêtes de sable, en cas de grands vents ce réflexe de cacher sa tête dans un trou est avant tout un moyen de protéger son crâne et ses sens.

En d'autres termes, ce comportement de mettre sa tête dans le trou est instinctif, naturel, et la réaction protectrice à une émotion de peur primale (peur de perdre ses œufs, peur de mourir de faim, peur de perdre ses capacités). Ainsi en connaissant un peu mieux l'autruche, l'observateur, comme Karadoc, peut transformer son préjugé de "l'autruche est un gros oiseau ridicule" en "l'autruche est un oiseau plein d'instinct et de talents" et donc avoir une considération relevant de sentiments et de réactions beaucoup plus positives à son égard.

Et maintenant, mettez-vous à la place de l'autruche ! Demandez-vous dans quels domaines, sur quels sujets, pour quels objectifs vous pensez de vous-même que vous êtes un gros oiseau ridicule ? Identifiez quelles pensées, à l'image de cette croyance populaire, vous portez sur vous-mêmes et vous amènent non seulement à passer à côté de votre nature véritable mais également vous bloquent pour vous mettre en action vers vos réalisations ?

Tout comme le fait de cacher sa tête dans un trou se révèle être la preuve d'une grande connexion à un fonctionnement constructif, vos émotions et vos comportements sont des alliés pour votre développement, sous couvert que vous fassiez le choix de vous considérer autrement, comme un oiseau plein d'instinct et de talents.

Par ce monologue, Karadoc nous prouve la portée du pouvoir de nos croyances, de nos préjugés, de nos pensées sur la manière dont nous considérons le Monde, les autruches, les autres mais surtout nous-même.

(Photo : détail d'une œuvre de l'artiste baulois Morrriss)